Émilie Guillerez
Quelques coups de crayon bien ajustés, et la griffe s’incarne et s’étire, se diffuse et prend chair sur la feuille de papier. Émilie l’observe d’un œil critique, la rabote d’un coup de gomme, jauge le timbre et l’harmonie avant de lui apposer son aval : « Mon métier, c’est d’écrire des contenus pour ceux qui n’ont pas les mots, de leur construire un ton qui change de celui des autres, d’avoir une voix particulière pour se démarquer ».
Si l’écriture l’a poursuivie tout le long de son enfance – « Je manque malheureusement de temps aujourd’hui, mais j’ai écrit pendant très longtemps, des nouvelles, de la poésie », et qu’elle s’envisage un temps écrivaine, sa vie se heurte toutefois à des aspirations bien disparates : « Je voulais faire plein de choses quand j’étais petite, archéologue par exemple, parce que j’aimais beaucoup l’antiquité grecque, ou avocate, parce que j’adorais Perry Mason ».
Nul besoin pourtant d’endosser les frusques d’haruspices pour démêler l’imbroglio de l’avenir : après l’obtention de son Bac L, Émilie s’engage dans un parcours en langues étrangères, spécialité anglais / chinois, avec l’assurance d’un jour embrasser une carrière dans le milieu des affaires à l’internationale. Après une année de césure en Chine, à Chengdu – « J’ai pu obtenir une bourse de la ville de Montpellier, avec qui elle est jumelée, une fois rendue là-bas, c’était génial, une vraie immersion » – elle revient en France, poursuit une thèse en études culturelles, « C’était sur le genre et la condition des femmes à l’épreuve du XXème siècle dans la littérature chinoise », puis se heurte rapidement à l’extrême rareté des places disponibles dans l’enseignement universitaire.
L’on pourrait la penser décontenancée ou désœuvrée par cette gabegie intellectuelle, mais Émilie n’est pas femme à attendre un improbable Godot ; avec une amie, elle entame un projet bien particulier, celui de créer une agence de voyages à destination de touristes chinois : « C’est un public que nous connaissions bien, notre idée, c’était de proposer des parcours insolites dans le sud de la France ». Les dés du hasard étant parfois retors, cette idée demeurera néanmoins à son état initial.
Qu’importe, Émilie se remet en selle, bouscule sa destinée et cavalcade vers des horizons nouveaux : ce sera celui de concepteur-rédacteur dans une boîte de marketing sonore. Là, elle y déflore des territoires insoupçonnés et s’approprie des connaissances inconnues : « Notre coeur de métier, c’était l’audio, on bossait pour de gros clients du retail, du luxe. J’écrivais le contenu musical et parlé, les campagnes FM, les podcasts de marque, enfin, tout ce qui comprend une voix off ».
Début 2021, elle largue les amarres pour voguer vers des cieux plus cléments, celui de son activité propre, obstinée à pourfendre la routine avec les délices de l’inattendu. Elle monnaie aujourd’hui ses services en rédaction web et en copywriting, déclinés sur tout support, notamment l’audio, fidèle à la signature qui la caractérise.